Après l'éviction lors du premier tour (9 avril 2006) du candidat démocrate-chrétien libéral de l'Union Nationale (centre droit, démocratie chrétienne, créée en 2001) et favori de l'administration BUSH (favorable au maintien de l'accord de libre-échange américano-péruvien signé en décembre 2005), Lourdes FLORES, le second tour de l'élection présidentielle péruvienne oppose le commandant de l'armée à la retraite Ollanta HUMALA (nationaliste populiste anti-élitiste), arrivé en tête au premier tour du 9 avril 2006 et dont le parti a remporté les élections législatives du même jour (41 sièges sur 120), à l'ancien président Alan GARCIA (socio-démocrate).
Déterminé par les personnalités concurrentes plutôt que leurs programmes, ayant pour principal objet la réduction de la pauvreté (54% des 28 millions de Péruviens vivent en dessous du seuil de pauvreté selon le rapport du PNUD 2006) et le clivages promoteurs/contempteurs du libre marché et urbains/ruraux (les premiers s'identifiant davantage que les seconds à M. GARCIA qu'à M. HUMALA et inversement), le scrutin présidentiel (vote obligatoire pour les 16 millions d'électeurs) se déroule dans un contexte de crise institutionnelle et politique qui se double de la montée du chômage (9,7% de la population active en 2005) et du discrédit dont est frappé le président sortant Alejandro TOLEDO -- lui même poursuivit par la justice -- dans sa lutte contre la corruption.
D'abord, le commandant de l'armée à la retraite Ollanta HUMALA (43 ans). Candidat de l'Union pour le Pérou (nationalisme, populisme et antisystème, créé en 1994), dépourvu d'expérience de gouvernement (la virginité politique est parfois un atout dans une campagne populiste) hormis la participation à une tentative de coup d'Etat en 2000 contre le président Alberto FUJIMORI, faisant par ailleurs l'objet d'une enquête (déclenchée par les accusations de torture pratiquée lorsqu'il commandait en 1992 une base contre-insurrectionnelle chargée d'engager le groupe armé du Sentier Lumineux), M. HUMALA est un nationaliste populiste antiélitiste (anti-establishment) qui critique à la fois la classe et le système politiques et dont le programme électoral vise:
- en politique intérieure:
- la renégociation des contrats en cours (hausse des taxes) des compagnies pétrolières et minières étrangères (le Pérou est le 3ème producteur mondial de cuivre et possède les 5ème ressources en or devant la Russie), voire la nationalisation de ces secteurs stratégiques de l'économie (les matières premières représentent plus de 50% des revenus à l'exportation)
- la révision de la Constitution
- l'éradication du crime et de la corruption
- en politique extérieure:
- l'alignement sur les politiques étrangères vénézuéliennes et boliviennes plus (Hugo CHAVEZ) ou moins (Evo MORALES) anti-hégémonie américaine (M. HUMALA est explicitement soutenu par M. CHAVEZ, soutien cependant dommageable puisque les rivaux du premier mais aussi une opinion publique appréciant les Etats-Unis taxent le second d'ingérence)
- la révision de l'accord de libre-échange signé avec les Etats-Unis en décembre 2005 (les Etats-Unis en ont également signé avec la Colombie et l'Equateur)
- la révision des programmes parrainés par les Etats-Unis pour l'éradication de la culture de la feuille de coca (le Pérou est le 2nd producteur de feuille de coca après la Bolivie)
- et le rétablissement des droits de douanes sur les importations en provenance de la Chine
Ensuite, l'ancien président (1985-90) Alan GARCIA (57 ans) en tête dans les sondages pré-électoraux. Candidat socio-démocrate de l'Alliance Révolutionnaire Populaire Américaine (ARPA, centre gauche, sociale démocratie, créée en 1924), il pâtit de l'échec d'une présidence marquée par l'hyperinflation (7 000%) et la radicalisation de l'organisation rebelle du Sentier Lumineux. M. GARCIA s'efforce toutefois de se démarquer de son rival, parvient à capitaliser sur le soutien dommageable qu'apporte à son adversaire M. CHAVEZ, s'engage à juguler le déficit public et à honorer l'accord de libre-échange américano-péruvien signé en décembre 2005.
Alors que seuls 77% des votes sont comptabilisés en fin de soirée électorale, M. HUMALA concède la victoire à M. GARCIA. Avec environ 55% des suffrages exprimés, ce dernier aurait bénéficié du report des voix des électeurs ayant voté pour Mme FLORES en avril et du rejet de M. HUMALA pour un moindre mal. Si les résultats sont confirmés, M. GARCIA prendra ses fonctions en juillet 2006.