Le commandant de la Combined Force en Afghanistan (CFC-A), le lieutenant général Karl EIKENBERRY, considère que les Etats-Unis "sont en train de gagner mais [que] la guerre n'est pas encore gagnée" sur le théâtre d'opérations afghan (Karl EIKENBERRY, News Briefing with Lt. Gen. Eikenberry from the Pentagon, Washington, 10 mai 2006).
2006 est une période pendant laquelle le théâtre afghan cumule quatre transitions:
- la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS, OTAN: mission de stabilisation et de reconstruction) prend le relais de l'Opération Iraqi Freedom (OEF: mission de contre-terrorisme)dans le sud dès l'été 2006
- l'effort militaire de stabilisation cède la place à celui civil de reconstruction, c'est-à-dire aux pans non militaires des programmes ayant vocation à sécuriser les 34 provinces afghanes
- la direction du pays est de moins en moins internationale et de plus en plus nationale
- la coopération internationale s'accroît à mesure que les forces de sécurité afghanes relaient les forces internationales contre le terrorisme international
Certes, des progrès "significatifs" ont été enregistrés dans le sens de l'accomplissement de la double mission finalisant l'OEF -- vaincre l'organisation terroriste al-Qaida ainsi que l'insurrection des Taliban et rendre à l'avenir le terreau afghan impropre au soutien et à la sanctuarisation du terrorisme --: les attaques de la CFC-A perturbent les capacités opérationnelles terroristes / insurgées et les forces de sécurité nationales afghanes continuent de monter en puissance parallèment à la poursuite de la reconstruction.
Mais des défis continuent de miner la viabilité à long terme de l'Afghanistan:
- le narcotrafic (représente la moitié du PIB afghan)
- la corruption (tant publique que privée)
- la multiplicité de la violence collective afghane (au terrorisme international et à l'insurrection taliban s'ajoutent la criminalité organisée -- largement narco-criminalité -- et les conflits tribaux
- la capacité d'adaptation de "l'ennemi" en général (recours croissant aux engins explosifs improvisés et aux attentats suicides, campagnes d'intimidation contre les leaders modérés religieux ou tribaux)
- la capacité de régénération des Talibans en particulier ("Talibanisation" non seulement de la région pakistanaise frontalière du Waziristan mais aussi des provinces afghanes septemptrionales de Kandahar, Helmand et Oruzgan)
Le lieutenant général EIKENBERRY récuse néanmoins les idées communes d'une pénétration massive de terroristes ou d'insurgés d'origine étrangère sur le territoire afghan de même que d'une connexion entre les théâtres d'opérations irakien et afghan qui favoriserait les transferts d'expertise, de technologies voire de combattants.
Parce que les infrastructures étatiques sont plus faibles que l'ennemi n'est fort (celui-ci s'élève sur les ruines de celles-là), la solution à ces défis relèverait désormais de programmes civilo-politiques plutôt que d'opérations militaires. La réduction du trafic de drogue nécessiterait ainsi une approche globale à long terme recouvrant à la fois la stricte application de la loi (notamment l'éradication) mais aussi le développement de cultures alternatives (économie de substitution) et le lancement de campagnes de sensibilisation du public.