L'Institut Electoral Fédéral (IEF) annonce que le technocrate conservateur Felipe CALDERON remporte l'élection présidentielle mexicaine devant le populiste de gauche Andres Manuel Lopez OBRADOR avec 244 000 suffrages exprimés d'avance (15 000 000 / 35,89% contre 14 756 000 / 35,31%). 41 millions d'électeurs (sur 71 millions, soit un taux de participation de 57,8%) se sont rendus aux urnes le 2 juillet 2006 pour élire leur président, renouveler le Congrès (Chambre des députés et Sénat) et désigner trois des 52 gouverneurs d'Etat ainsi que le maire de Mexico.
Dénonçant des "irrégularités" (parfois confirmées par la non-correspondance entre le total des bulletins indiqué pour certaines urnes et la somme des bulletins de ces mêmes urnes lorsqu'un nouveau décompte manuel a été réalisé), M. OBRADOR conteste le résultat annoncé par l'IEF -- structure électorale indépendante créée en 1994 afin précisément de garantir la teneur démocratique des processus électoraux -- et exige qu'un nouveau décompte manuel des votes (bulletin par bulletin et non urne par urne) soit définitivement validé puis certifié par la Cour Electorale Fédérale (CEF), juridiction électorale composée de sept magistrats (nommés par la Cour suprême puis approuvé par le Sénat pour dix ans) créée en 1991 pour trancher en dernière instance un contentieux électoral, une fois épuisées les voies de recours légales. La CEF dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer. Le président finalement élu prêtera serment et entrera en fonction le 1er décembre 2006.
Alors que M. OBRADOR appelle ses anciens administrés à manifester le 8 juillet dans la capitale, l'après-scrutin constitue un test pour la culture démocratique mexicaine dont l'enracinement est récent (le Parti Révolutionnaire -- PRI -- a exercé le pouvoir de 1929 à 2000), en particulier la capacité des acteurs politiques à confronter leurs intérêts puis à rendre soluble leurs différends dans la négociation.
Si MM. CALDERON et CALDERON se disputent à forces égales la présidence, Robert MADRAZO reconnaît sa défaite au cours d'une élection qu'il qualifie de "juste, légale et légitime", son score confirmant au reste le déclin du PRI au pouvoir pendant 71 ans. Les résultats vérifient la polarisation socioéconomique (partant géographique) de la société mexicaine:
- les 2/5ème les plus riches de la population votent pour M. CALDERON, principalement répartis dans les 16 Etats du nord et de l'ouest votant en sa faveur
- le cinquième le plus pauvre vote pour M. OBRADOR, principalement réparti dans la capitale Mexico -- 60% des suffrages -- ainsi que les 16 Etats du sud et du centre votant en sa faveur
Le scrutin présidentiel a opposé trois principaux candidats (avec Patricia MERCADO et Roberto CAMPA, cinq candidats se présentaient au total; conformément à la Constitution mexicaine -- mandat présidentiel de six années non renouvelable -- le président sortant Vicente FOX ne pouvait pas se représenter):
- Andres Manuel Lopez OBRADOR (52 ans), membre du Parti de la Révolution Démocratique (créé en 1989, le PRD est un parti de gauche qui administre 5/52 Etats + Mexico et détient 52/500 sièges au Congrès avant son renouvellement). Fils de marchand, diplômé de l'Université publique autonome de Mexico, ancien maire de Mexico (jusqu'en 2005), M. OBRADOR est un populiste de gauche qui -- s'autoproclamant "candidat des pauvres" -- s'est engagé à:
- allouer 20 milliards de dollars pour un programme de travaux publics inspiré du New Deal américain
- offrir la gratuité des soins à tous
- prendre en charge les personnes âgées
- réviser la Constitution afin de permettre un recours fréquent au referendum populaire
- et réduire l'émigration à destination des Etats-Unis (4 millions de Mexicains pendant les six années du mandat de M. FOX; 20,6 millions d'individus d'origine mexicaine résident aux Etats-Unis, soit 58% de la population hispanique; 6,2 millions d'immigrés mexicains clandestins se trouvent sur le territoire américain, soit 56% de la population immigrée clandestine)
- Felipe CALDERON (43 ans), membre du Parti de l'Action Nationale (créé en 1939, le PAN est un parti conservateur catholique de centre droit qui administre 10/52 Etats et détient 207/500 sièges au Congrès avant son renouvellement). Fils d'un fondateur du PAN, juriste et économiste diplômé d'une université américaine (Harvard's Kennedy School of Governement), M. CALDERON est un technocrate conservateur qui -- s'autoproclamant "le président de l'emploi" -- s'est engagé à:
- revitaliser l'investissement étranger et promouvoir le libre-échange aux fins de création d'emplois
- discipliner la fiscalité
- stabiliser la monnaie
- équilibrer le budget de l'Etat
- et mettre en oeuvre des politiques favorables au secteur des affaires
- et Roberto MADRAZO, membre du Parti Révolutionnaire Institutionnel (créé en 1929, le PRI est un parti de droite au pouvoir de 1929 à 2000 qui administre 17/52 Etats et détient 209/500 sièges au Congrès avant son renouvellement). Outre la persistance de l'image dégradée du PRI (autocratie autoritaire), la campagne de M. MADRAZO a été entachée par des accusations de corruption
Le PAN n'obtient qu'une majorité relative à la Chambre des députés et au Sénat à l'occasion du renouvellement du Congrès, ce qui impose un gouvernement minoritaire ou implique la formation d'une coalition de gouvernement avec le PRI -- lequel a perdu sa majorité relative dans les deux chambres (relégué à la 3ème place) et joue dorénavant le rôle de parti-pivot.