Dans le cadre de l'affaire de l'enlèvement puis du transfert extrajudiciaire (extraordinary rendition) de l'imam radical égyptien Hussan Moustapha Omar NASR (dit Abou Omar):
- les autorités italiennes arrêtent l'actuel numéro deux du Service de Renseignement et de Sécurité Militaire italien (SISMI pour Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare), Marco MANCINI (directeur de l'anti-terrorisme et du contre-espionnage), ainsi que son prédécesseur en 2003, Gustavo PIGNERO, inculpés des chefs de complicité d'enlèvement et d'abus de pouvoir
- le procureur de Milan chargé de l'enquête, Armando SPATARO, délivre de nouveaux mandats d'arrêts européens contre quatre ressortissants américains (trois agents de la Central Intelligence Agency -- CIA -- et un militaire) soupçonnés de participation au programme extraordinary rendition de la CIA
Soupçonné d'activité terroriste, d'appartenance à l'organisation du Djihad Islamique Egyptien et de contact avec le groupe islamiste séparatiste kurde des Partisans de l'Islam (Ansar al-Islam), M. NASR a été enlevé le 17 février 2003 dans Milan par des agents de la CIA -- au mépris de des procédures d'extradition légales et de la souveraineté de l'Etat italien -- puis emmené (via la base aérienne d'Aviano en Italie puis celle Allemagne) au Caire (Egypte) pour des interrogatoires au cours desquels il prétend avoir été torturé.
Le tribunal de Milan a délivré un mandat d'arrêt européen et formulé une demande d'extradition contre 22 agents de la CIA le 23 décembre 2005. 26 Américains font désormais l'objet d'un mandat d'arrêt européen.
Si l'affaire NASR ne remet pas en cause la coopération contre-terroriste entre les Etats-Unis et l'Italie au plan opérationnel, elle n'en constitue pas moins un irritant au niveau politique qui s'ajoute à l'affaire CALIPARI (officier du renseignement militaire italien tué en mars 2005 en Irak par les forces américaines en Irak alors qu'il sécurisait la libération d'une otage). La révélation d'une opération d'enlèvement-transfert extrajudiciaire conjointe américano-italienne -- au minimum la notification préalable des services de renseignement italiens et leur approbation -- compliquerait encore la délicate position du gouvernement italien face à son opinion publique, partant tendrait la relation bilatérale entre deux les deux alliés proches.
L'affaire NASR confirme au demeurant la systématisation de la pratique de l'extraordinary rendition, programme par lequel la CIA (la Division des Activités Spéciales) ou le Federal Bureau of Investigation (FBI) transfèrent illégalement un individu soupçonné d'activité terroriste vers un pays tiers (principalement le Maroc, l'Egypte, la Syrie, la Jordanie et l'Ouzbékistan) et délèguent ou externalisent à l'Etat hôte la tâche de mener des interrogatoires poussés -- au minimum agressifs, souvent accompagnés de tortures physiques et psychologiques. Arguant de la meilleure connaissance qu'ont les Etats délégués de la langue et du contexte historico-culturel du suspect, les Etats-Unis ont déjà externalisé les interrogatoires d'une soixantaine d'individus en Egypte depuis 2001.