Accompagné du secrétaire d'Etat Condoleezza RICE, le président George W. BUSH participe au sommet annuel Etats-Unis -- Union européenne à Vienne (l'Autriche exerce la présidence tournante du Conseil européen), occasion pour les Etats-Unis et l'Union européenne de souligner l'importance de leur relation bilatérale et de discuter l'agenda transatlantique. Après avoir rencontré le président autrichien Heinz FISCHER, M. BUSH doit s'entretenir avec le président du Conseil européen (Wolfgang SCHÜSSEL, également Chancelier autrichien) et le président de la Commission européenne (Jose Manuel BARROSO). Il s'agit du 15ème déplacement de M. BUSH en Europe depuis 2001.
Certes, la seconde administration BUSH s'efforce depuis février 2005 de retisser un lien transatlantique distendu en 2003 au niveau politique par l'affaire irakienne, notamment en densifiant la coopération sur les dossiers suivants:
- lutte contre la prolifération nucléaire (programme nucléaire iranien)
- lutte contre le financement du terrorisme
- promotion de la démocratie et de la paix (y compris la souveraineté du Liban et l'intégrité de son territoire, ou encore la problématique du financement de l'Autorité Palestinienne depuis la victoire du Hamas aux élections législatives du 25 janvier 2006)
- sécurité des frontières et de l'immigration illégale
- prospérité économique (libéralisation du commerce international: réduction des droits de douanes, terme des subventions agricoles)
- politique et sécurité énergétiques (libérer l'Occident de sa dépendance énergétique -- gaz et pétrole)
Mais la sensibilité d'une "opinion publique européenne" majoritairement défavorable à la politique étrangère du président BUSH continue d'ériger certains dossiers en irritants, notamment lorsqu'il s'agit de la "guerre globale contre la terreur":
- statut des détenus de la prison de Guantanamo
- scandale d'Abou Ghraïb
- externalisation de l'interrogatoire -- après enlèvement -- des individus suspectés d'appartenir à des organisations terroristes (extraordinary rendition)
- réseau de centres de détention secret en Europe
- ou encore massacre perpétré par des Marines à Haditha en Irak
S'y ajoutent plusieurs dossiers délicats susceptibles d'engendrer des frictions:
- l'insistance de M. BUSH pour que les Etats européens honorent leurs promesses de dons destinés à la reconstruction de l'Irak (seuls 3,5 des 13,5 milliards de dollars promis ont été honorés)
- les subventions agricoles (Politique Agricole Commune)
- les droits de propriété intellectuelle
- le cycle de négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce dit de Doha
- et le projet "ciel ouvert", lequel prévoit la libre circulation des compagnies aériennes américaines et européennes respectivement sur les territoires européen et américain (tandis que le président BUSH accepte que les compagnies aériennes américaines soient contrôlées par une majorité de capitaux étrangers, le Congrès et l'Union européenne estiment que les capitaux nationaux doivent conserver la majorité au sein des entreprises d'un secteur commercial stratégique puisque susceptible de faire l'objet de réquisitions lorsque les intérêts de sécurité de l'Etat l'exigent)
Une fois constaté le développement de la coopération dans les domaines politique, sécuritaire et économique en 2005, les gouvernants des Etats-Unis et de l'Union européenne s'engagent dans le cadre du Partenariat Transatlantique à coopérer pour (U.S.-E.U. Summit Declaration, 11 p., 21 juin 2006):
- promouvoir la paix, les droits de l'homme et la démocratie ==> les engagements sont les suivants:
- le progrès de la démocratie est qualifié de "priorité stratégique de notre temps"
- soutien au nouveau Conseil des droits de l'homme
- soutien à la réforme dans les régions de la Méditerranée et du Moyen-Orient
- continuation de la "proche coopération" au Moyen-Orient, notamment sur le dossier israélo-palestinien via le Quartet
- souhait que la Syrie mette en oeuvre les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) n° 1559, 1595, 1636, 1680 et 1686
- soutien aux diverses réformes libanaises (politico-institutionnelle, économique), notamment la mise en oeuvre des résolutions du CSNU n° 1559, 1680 et 1686
- soutien à l'ouverture politique en Egypte
- soutien au nouveau gouvernement "constitutionnellement élu" d'Irak
- continuation de la "proche coopération" sur le dossier du programme nucléaire iranien
- soutien à la reconstruction politique et économique de l'Afghanistan
- volonté de stabiliser les Balkans occidentaux
- soutien au développement politique et économique de l'Ukraine
- soutien aux "aspirations démocratiques du peuple de la Biélorussie"
- contribution à une solution des "conflits gelés" en Moldavie (Transnistrie), entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan (Haut Karabakh) et en Géorgie (enclaves indépendantistes d'Abkhazie et d'Ossétie du sud)
- promotion des réformes démocratique et économique en Asie centrale, notamment un appel pour que l'Ouzbékistan accepte l'ouverture d'une enquête internationale sur la répression des manifestations d'Andijan le 13 mai 2005
- importance pérenne attachée aux relations avec la Russie en dépit des préoccupations qu'alimentent certains "développements récents"
- voeu d'une densification des relations avec l'Amérique latine et les Caraïbes
- travail en vue de la mise en oeuvre "rapide" de l'accord de paix du Darfour signé le 5 mai 2006
- volonté d'assurer le bon déroulement de l'élection présidentielle en République Démocratique du Congo le 30 juillet 2006
- soutien réitéré aux Institutions Fédérales Transitoires somaliennes
- assistance "humanitaire et de démocratie" au peuple du Zimbabwe
- lutter contre les "défis globaux" -- y compris la sécurité ==> les engagements sont les suivants:
- coopération dans la lutte contre le terrorisme
- négociations en vue d'un accord de coopération entre les Etats-Unis et le système Eurojust
- renforcement des efforts pour interdire aux terroristes l'accès aux armes de destruction massive
- coordination en vue de la Conférence de révision de la Convention sur les toxines et les armes biologiques
- lutte contre les menaces globales posées à la santé
- agir en faveur de la prospérité et des opportunités ==> les engagements sont les suivants:
- volonté d'une "conclusion ambitieuse" à l'Agenda pour le Développement de Doha d'ici fin 2006
- mise en oeuvre complète de l'Initiative Economique Transatlantique
- approbation de la nouvelle Stratégie d'Action pour la sauvegarde des droits de propriété intellectuelle contre la piraterie et la contrefaçon
- volonté de conclure en 2006 le premier volet de l'Air Transport Agreement
- et promouvoir la "coopération stratégique" en matière d'énergie et de sécurité énergétique, de changement climatique et de développement durable ==> les engagements sont les suivants:
- soutien à la diversification des sources et des voies d'approvisionnement énergétiques
- sécurisation des infrastructures énergétiques
- accélération de l'investissement dans les sources d'énergie renouvelables
- renforcement du dialogue avec les principales régions productrices, de transit ou consommatrices, notamment la région de la Mer Caspienne, le Moyen-Orient, l'Afrique continentale et l'Amérique latine
S'il admet, au cours d'une conférence de presse conjointe avec le chancelier autrichien Wolfgang SCHÜSSEL, comprendre les "préoccupations des dirigeants" européens et partager leur désir de voir le centre de détention de Guantanamo fermé, le président George W. BUSH subordonne toutefois doublement la fermeture (George W. BUSH, President Bush Participates in Press Availability at 2006 US-EU Summit, Vienne Autriche, 21 juin 2006):
- d'abord à l'arrêt de la Cour suprême qui doit décider de la procédure légale pour juger les détenus que M. BUSH présente comme des "tueurs de sang-froid" résolus à récidiver
- ensuite aux garanties de sécurité offertes à d'autres détenus que les premiers pourraient menacer s'ils recouvraient leur liberté
Alors que le président iranien Mahmoud AHMADINEJAD annonce que le gouvernement iranien étudiera jusqu'au 22 août 2006 le paquet de mesures incitatives et dissuasives formellement présenté par le P-5+1 (cinq membres permanents du CSNU plus l'Allemagne) le 6 juin 2006, le président des Etats-Unis et le président du Conseil européen avertissent l'Iran qu'une réponse tardive aurait pour conséquence l'ouverture d'un débat au Conseil de sécurité des Nations Unies sur l'imposition de sanctions économiques.
M. BUSH exhorte enfin les gouvernements européens à dépasser les divergences passées au sujet de l'intervention américaine en Irak pour contribuer à la réussite du nouveau gouvernement permanent souverain de la République d'Irak, laquelle réussite implique -- comme celle du gouvernement afghan au reste -- le "soutien continu" et conjoint des Etats-Unis et de l'UE.