Le département de la Défense publie son rapport annuel au Congrès sur l'interprétation de la modernisation militaire de l'Armée de Libération Populaire chinoise (DEPARTMENT OF DEFENSE, Annual Report to Congress. Military Power of the People's Republic of China, 2006, 50 p.).
Ce rapport considère d'abord que le budget de défense officiel de 35 milliards de dollars (en hausse de 14,5% pour l'année fiscale 2006 par rapport à 2005) avoisine plus vraisemblablement le double voire le triple conformément aux estimations de l'Agence de Renseignement de la Défense (Defense Intelligence Agency), environ 100 Md$.
Vérifiant la stratégie discursive binaire de l'administration BUSH à l'égard de la modernisation militaire chinoise (engagement/coopération et confinement/dénonciation), ce rapport avertit ensuite que la République Populaire de Chine (RPC) dispose du potentiel le plus à même "d'entrer militairement en compétition avec les Etats-Unis" à mesure que sa capacité de projection de puissance croît continument pour satisfaire des "éventualités autres que Taïwan" (assistant du secrétaire à la Défense pour les Affaires de sécurité internationales, Peter W. RODMAN) et que l'équilibre stratégique régional bascule en sa faveur.
Le rapport insiste sur la perception de deux principales menaces. Premièrement, la RPC envisagerait de privilégier une posture d'emploi en premier de l'arme nucléaire à mesure que ses capacités de vectorisation s'améliorent qualitativement et quantitativement, ce qui porterait en germe le risque d'affecter l'équilibre global de la puissance nucléaire militaire.
Deuxièmement, préoccupée depuis les crises de 1995-96 par la problématique du détroit de Taïwan et sa vulnérabilité à l'égard d'un blocus naval américain (des porte-avions de l'U.S. Navy étaient alors intervenus), la RPC remettrait en cause la maîtrise américaine des voies de communication dans le Pacifique occidental en développant ses capacités navale (flotte de haute mer), missilière (entre 710 et 790 missiles à courte portée installés face à l'île rebelle plus des missiles balistique intercontinentaux à longue portée -- jusqu'à Guam -- anti-navires de surface et anti-sous-marins -- missiles DF-31A et JL-2 opérationnels dès 2007), de ciblage (armes de précision, systèmes de guidage) et de transport (avions russes IL-76 et IL-78). Une maîtrise chinoise de la mer dans la région asiatique, outre qu'elle affecterait l'équilibre régional de la puissance navale militaire, emporterait trois principales conséquences:
- la capacité d'interdire à l'U.S. Navy l'accès à Taïwan et la mise en place d'un blocus naval
- une concurrence pour la sécurisation des routes maritimes d'approvisionnement énergétique
- et la tentation de résoudre militairement les différends territoriaux dans l'est et le sud de la Mer de Chine
D'où la stratégie américaine d'encerclement / confinement à long terme qu'amorcent la revitalisation de l'alliance militaire avec le Japon, le renforcement de la relation bilatérale américano-indienne, l'établissement d'une coopération de défense avec le Vietnam et l'accroissement de la flotte sous-marine stationnée à Guam.