71 millions d'électeurs mexicains sont appelés à élire leur président, renouveler le Congrès (Chambre des députés et Sénat) et désigner trois des 52 gouverneurs d'Etat ainsi que le maire de Mexico.
L'élection présidentielle oppose trois principaux candidats (avec Patricia MERCADO et Roberto CAMPA, cinq candidats se présentent au total; conformément à la Constitution mexicaine -- mandat présidentiel de six années non renouvelable -- le président sortant Vicente FOX ne peut pas se représenter):
- Andres Manuel Lopez OBRADOR (52 ans), membre du Parti de la Révolution Démocratique (créé en 1989, le PRD est un parti de gauche qui administre 5/52 Etats + Mexico et détient 52/500 sièges au Congrès). Fils de marchand, diplômé de l'Université publique autonome de Mexico, ancien maire de Mexico (jusqu'en 2005), M. OBRADOR est un populiste de gauche qui -- s'autoproclamant "candidat des pauvres" -- s'engage à:
- allouer 20 milliards de dollars pour un programme de travaux publics inspiré du New Deal américain
- offrir la gratuité des soins à tous
- prendre en charge les personnes âgées
- réviser la Constitution afin de permettre un recours fréquent au referendum populaire
- et réduire l'émigration à destination des Etats-Unis (4 millions de Mexicains pendant les six années du mandat de M. FOX; 20,6 millions d'individus d'origine mexicaine résident aux Etats-Unis, soit 58% de la population hispanique; 6,2 millions d'immigrés mexicains clandestins se trouvent sur le territoire américain, soit 56% de la population immigrée clandestine)
- Felipe CALDERON (43 ans), membre du Parti de l'Action Nationale (créé en 1939, le PAN est un parti conservateur catholique de centre droit qui administre 10/52 Etats et détient 207/500 sièges au Congrès). Fils d'un fondateur du PAN, juriste et économiste diplômé d'une université américaine (Harvard's Kennedy School of Governement), M. CALDERON est un technocrate conservateur qui -- s'autoproclamant "le président de l'emploi" -- s'engage à:
- revitaliser l'investissement étranger et promouvoir le libre-échange aux fins de création d'emplois
- discipliner la fiscalité
- stabiliser la monnaie
- équilibrer le budget de l'Etat
- et mettre en oeuvre des politiques favorables au secteur des affaires
- et Roberto MADRAZO, membre du Parti Révolutionnaire Institutionnel (créé en 1929, le PRI est un parti de droite au pouvoir de 1929 à 2000 qui administre 17/52 Etats et détient 209/500 sièges au Congrès). Outre la persistance de l'image dégradée du PRI (autocratie autoritaire), la campagne de M. MADRAZO a été entachée par des accusations de corruption
Tandis que MM. OBRADOR et CALDERON se disputent à forces égales la présidence, le résultat de M. MADRAZO devrait confirmer le déclin du PRI au pouvoir pendant 71 ans.
La campagne électorale (marquée par les campagnes de publicité négative) ayant révélé -- en même temps qu'elle a alimenté -- la polarisation socioéconomique de la société mexicaine dans un pays où 46% des 107 millions d'habitants sont pauvres (moins de quatre dollars par jour), le principal déterminant du vote est le facteur socioéconomique, devant l'émigration, la corruption endémique et la violence armée entre cartels de la drogue et forces publiques chargées de la lutte contre le narcotrafic.
En tête dans les sondages pré-électoraux d'intention de vote, M. OBRADOR a été cependant qualifié par l'historien mexicain Enrique KRAUZE de "populiste messianique" et "messie tropical" qui risque de "saper" les fondements de la "démocratie mexicaine" au nom de la justice sociale et de transformer la politique étrangère du Mexique en continuation du populisme intérieur par d'autres moyens.
L'élection de M. OBRADOR emporterait probablement un triple impact sur la relation bilatérale américano-mexicaine:
- d'abord la subordination de la politique étrangère mexicaine à la politique intérieure
- ensuite la recherche de contrepoids latino-américains afin de contrebalancer l'hégémonie américaine, recherche dont le corollaire serait de favoriser l'intégration régionale politique et économique
- enfin la révision du chapitre agricole de l'Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA / NAFTA pour North American Free Trade Agreement, entré en vigueur le 1er janvier 1994)
L'élection de M. CALDERON n'infléchirait qu'à la marge la relation bilatérale américano-mexicaine voire signifierait la continuité en matière de libre-échange et d'affaires. Si l'administration du président George W. BUSH préfère tacitement et a priori la victoire du candidat de centre-droit (elle ne prend pas publiquement position de crainte des effets pervers de l'interventionnisme), elle n'en classe pas moins le candidat de gauche dans la catégorie de la "gauche pragmatique" (aux côtés du président brésilien Luiz Inacio Lula DA SILVA) et non dans celle de la "gauche révolutionnaire" (par exemple le président venezuelien Hugo CHAVEZ et le président bolivien Evo MORALES).
Trois thématiques resteront communes aux Etats-Unis et au Mexique quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle:
- le commerce bilatéral (avec 243 milliards de dollars d'échanges commerciaux, le Mexique est le 2ème partenaire commercial des Etats-Unis et ceux-ci le 1er de celui-là) et le développement économique
- l'émigration mexicaine vers les Etats-Unis
- et le trafic de drogue transfrontalier
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