Le président George W. BUSH se félicite de la résolution "forte" votée par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) qui exige du gouvernement iranien qu'il suspende -- d'ici le 31 août 2006 et sous le contrôle de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) -- "toutes ses activités liées à l'enrichissement [d'uranium] et au retraitement [des déchets nucléaires], y compris la recherche-développement" (George W. BUSH, President Bush Tours Port of Miami, Miami, Floride, 31 juillet 2006). Votée par 14 voix contre une (Qatar) sur le fondement juridique de l'article 40 du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (autorisant le recours à la force armée au titre de la force exécutoire), la résolution 1596 reflète selon M. BUSH la volonté de la communauté internationale d'interdire à l'Iran l'acquisition du savoir-faire nucléaire -- a fortiori celle d'une arme nucléaire; le président remercie à ce titre les "partenaires" des Etats-Unis.
A la suite de cette résolution démontrant "la gravité de la situation et la détermination du Conseil", le porte-parole du département d'Etat, Sean McCORMACK, formule le voeu que l'Iran prenne la "décision stratégique" de coopérer en renouant le fil de la négociation (Sean McCORMACK, UN Security Council Resolution on Iran, 31 juillet 2006). Le secrétaire d'Etat Condoleezza RICE souligne que la "porte de la diplomatie" reste ouverte (Condoleezza RICE, Briefing En Route Washington, DC, 31 juillet 2006).
Parce que le gouvernement iranien a échoué à amorcer les négociations -- envoyant au mieux des signaux équivoques et prétendant ne répondre que le 22 août à l'offre d'un paquet de mesures incitatives et dissuasives élaboré par l'UE-3 (Allemagne, France et Grande-Bretagne) puis approuvé par les Etats-Unis, la Chine et la Russie ("P-5+1": cinq membres permanents + l'Allemagne en tant que membre de l'UE-3) avant d'être présenté au gouvernement iranien par le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier SOLANA, le 6 juin 2006 --, la communauté internationale (y compris les puissances chinoise et russe initialement réticentes) exige désormais du réfractaire la suspension de ses activités d'enrichissement d'uranium et de traitement des déchets nucléaires en le plaçant devant une alternative:
- l'amorce de négociations puis le retrait du dossier du CSNU en cas de mise en conformité
- ou bien l'imposition de mesures coercitives sur le fondement du chapitre VII de la Charte
A condition que l'Iran suspende de manière "immédiate", "complète" et "vérifiable" (Condoleezza RICE, discours du 31 mai 2006) ses activités d'enrichissement d'uranium et de traitement des déchets nucléaires, les principales mesures incitatives que contient l'offre du "P-5+1" sont (importance décroissante):
- la participation des Etats-Unis à des discussions multilatérales avec l'Iran sur son programme nucléaire
- des assurances en matière de technologie nucléaire civile (pacifique), notamment une coopération nucléaire civile avec les Etats-Unis, la fourniture d'un réacteur nucléaire à eau légère par l'UE et la garantie de l'approvisionnement en combustible nucléaire par un consortium international
- une densification des relations commerciales et financières
- le soutien de la candidature iranienne à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
- et la levée des embargos partiels américains frappant certains biens à destination de l'Iran, notamment en matière aéronautique ou de systèmes d'alerte précoce des tremblements de terre
Découlant du référé immédiat devant le CSNU qui suivrait un refus iranien, les principales mesures dissuasives que contient l'offre du "P-5+1" sont:
- un double embargo, sur l'exportation de certains biens et l'importation d'autres biens (matériels / technologies utiles pour l'exécution d'un programme nucléaire, armes)
- le gel des avoirs des organisations et individus impliqués dans le programme nucléaire
- la suspension de la coopération technique qu'assure l'Agence Internationale de l'Energie Atomique
- le gel des contacts bilatéraux
- l'interdiction de visas et de voyages pour les décideurs iraniens
- et l'ajournement de la promesse faire à l'Iran d'une intégration prochaine au sein de l'OMC
Au cours de sa rencontre du 11 juillet avec M. SOLANA, le négociateur en chef iranien sur le programme nucléaire litigieux de la République Islamique d'Iran, Ali LARIJANI, était réputé articuler la réponse du gouvernement iranien au paquet de mesures incitatives et dissuasives formellement présenté au gouvernement iranien le 6 juin par M. SOLANA. Cette troisième rencontre entre les deux hommes s'est avérée infructueuse.
Le 12 juillet 2006, le groupe "P-5+1" (cinq membres permanents du CSNU plus l'Allemagne en tant que membre de l'UE-3) a exprimé sa "profonde déception" faute d'indice de la volonté du gouvernement iranien de négocier (l'Iran refuse de suspendre préalablement ses activités d'enrichissement d'uranium et de traitement des déchets nucléaires) et a annoncé n'avoir "d'autre choix" que de renvoyer le dossier litigieux devant le CSNU (Philippe DOUSTE-BLAZY, P-5+1 Statement: Negotiations With Iran, Paris, France, 12 juillet 2006).
Le 20 juillet, le Conseil Suprême pour la Sécurité Nationale iranien a promis que le gouvernement iranien répondrait formellement le 22 août 2006 au paquet de mesures incitatives et dissuasives tout en avertissant que l'imposition de sanctions par le CSNU aboutirait à une révision de la politique nucléaire de la République Islamique d'Iran.
Le CSNU est compétent sur le dossier du nucléaire iranien depuis février 2006:
- 6 février 2006: le CSNU est saisi du dossier nucléaire iranien par une résolution votée par les 30 membres du conseil des gouverneurs de l'AIEA
- 2 mars: le CSNU adopte (unanimité) une déclaration présidentielle demandant à l'Iran de se conformer aux résolutions antérieures de l'AIEA relatives à la vérification du caractère exclusivement civil de son programme nucléaire
- 2 avril: le rapport demandé par le CSNU au directeur de l'AIEA (Mohamed EL BARADEI) confirme que l'Iran continue d'enrichir de l'uranium sans pour autant apporter la preuve du caractère strictement civil de son programme nucléaire
- 28 juin: le secrétaire général des Nations Unies, Kofi ANNAN, exhorte le gouvernement iranien à accepter le paquet de mesures qui lui a été formellement présenté le 6 juin par le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier SOLANA
Si la nouvelle résolution du CSNU en date du 31 juillet est le produit d'un consensus ad hoc entre ses membres, la convergence stratégique pourrait s'effacer devant les divergences tactiques (liées d'abord aux délais impartis au gouvernement iranien pour répondre, ensuite aux modalités des éventuelles sanctions) entre d'un côté les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne et, de l'autre, la Chine et la Russie -- deux membres permanents dotés du droit de veto.