Opérant jusqu'à présent dans le capitale Kaboul (phase I depuis août 2003), les 13 provinces du nord et de l'ouest du pays (phase II), la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS) de l'OTAN assume la responsabilité des opérations de stabilisation et de reconstruction dans les six provinces instables du sud de l'Afghanistan (phase III: Day Kundi, Helmand, Kandahar, Nimroz, Oruzgan et Zaboul), succédant ainsi à l'Opération de contre-insurrection/terrorisme Enduring Freedom menée par le Commandement des Forces Conjointes en Afghanistan (CFC-A pour Combined Forces Command - Afghanistan: environ 27 500 militaires dont 20 000 américains; 14 Provincial Reconstruction Teams - PRTs) et qui se concentrera dorénavant dans les provinces de l'est. Ce transfert illustre selon le commandant du CFC-A, le lieutenant général Karl EIKENBERRY, l'engagement de la communauté internationale auprès de l'Afghanistan. La phase IV (responsabilité des opérations de stabilisation et de reconstruction dans l'est de l'Afghanistan) est prévue en décembre 2006.
Commandée par le lieutenant-général britannique David RICHARDS (ci-joint), la FIAS comprend 18 000 militaires (10 500 en 2005) -- en provenance de 34 pays membres ou partenaires de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord -- et commandent neuf PRTs; elle a pour principale mission de garantir un environnement sécuritaire propice à la reconstruction, au développement économique et à la bonne gouvernance. La mission dans le sud-afghan incombe principalement aux troupes britanniques (3 000 militaires dans la province de Helmand), canadiennes (2 200 militaires dans la province de Kandahar) et néerlandaises (1 500 militaires dans la province d'Oruzgan).
Ce transfert de la responsabilité des missions de stabilisation et de reconstruction dans les six provinces du sud de l'Afghanistan intervient alors que le volume de l'activité insurgée augmente continûment depuis 2005 (particulièrement dans le sud et depuis les élections parlementaires et provinciales du 18 septembre 2005; 1 700 individus -- civils et militaires -- ont été tués depuis janvier 2006 dans des affrontements entre insurgés et forces de sécurité quelles qu'elles soient). Trois facteurs structurels expliquent cette intensification:
- d'abord le réinvestissement des groupes radicaux (djihadistes) terroristes en général, de l'organisation al-Qaida en particulier, sur un théâtre qui devient un aimant du djihadisme international après en avoir été un sanctuaire
- ensuite le transfert d'expériences en matière de tactiques, techniques et procédures en provenance du théâtre irakien (recours croissant aux engins explosifs improvisés et au terrorisme urbain suicidaire)
- enfin l'augmentation des interactions armées entre militaires du CFC-A, de la FIAS ou des Forces de Sécurité Nationales Afghanes (FSNA; 40 000 militaires et 70 000 policiers) et groupes insurgés ou terroristes qui résulte directement de la croissance des effectifs des forces de l'OTAN ou de ceux des FSNA (emprise croissante de l'Etat afghan sur son territoire)
Quatre considérations conjoncturelles se greffent sur ces tendances lourdes:
- le printemps puis l'été sont des saisons propices au combat
- l'Armée Nationale Afghane appuyée par le CFC-A mène depuis le 15 juin 2006 l'Opération Mountain Thrust dans les provinces afghanes australes de Zaboul, Kandahar, Helmand et Oruzgan
- le numéro deux de l'organisation terroriste al-Qaida, l'idéologue égyptien Ayman AL-ZAWAHIRI, a exhorté le 22 juin 2006 les Musulmans afghans à bouter les "forces d'occupation" hors d'Afghanistan
- enfin la perception d'une fenêtre de vulnérabilité précisément au moment de ce transfert de la responsabilité des missions de stabilisation et de reconstruction dans les provinces du sud
L'augmentation du volume et de l'ampleur de la violence insurgée confirme trois évolutions:
- la montée en puissance de l'insurrection dans les provinces australes, c'est-à-dire la poursuite du processus de conventionnalisation (professionnalisation et sophistication) des troupes combattantes taliban qui préfigure l'établissement à terme d'une armée ayant vocation à être une force de manoeuvre
- la détermination de l'insurrection à engager directement les FSNA (même soutenues par les troupes du CFC-A ou un appui aérien) tout en maintenant des modes opératoires du faible au fort (guérilla et/ou terrorisme selon les besoins)
- le soutien pérenne voire intact dont les insurgés bénéficient dans les provinces du sud
Derrière l'apparent monolithe de l'insurrection se trouvent quatre états finaux recherchés politiquement et autant d'idéaux-types insurgés entre lesquels diverses passerelles permettent des coopérations:
- les Taliban modérés cherchent à renforcer la puissance de négociation de leur communauté ethnique dans un système politique marqué par le factionnalisme (actifs dans les provinces du sud et du sud-est)
- les Taliban radicaux cherchent à saper la transition politique pour se réapproprier le pouvoir et restaurer l'ancien régime taliban (actifs dans les provinces du sud et du sud-est)
- al-Qaida cherche à expulser les troupes de la Coalition hors d'Afghanistan puis à y établir un califat qui serve de pas de tir à l'instauration d'un califat panislamique (organisation terroriste active le long de la frontière afghano-pakistanaise)
- et Hibz-i Islami (groupe commandé par Gulbuddin HEKMATYAR) cherche à saper la transition politique afin de capter une parcelle du pouvoir tout en préservant ses activités criminelles, notamment le narcotrafic (actif dans les provinces de l'est)
Certes, le président afghan Hamid KARZAI a critiqué le 22 juin 2006 la conduite des missions de contre-terrorisme par le CFC-A et demandé une "réévaluation stratégique" tout en soulignant que les causes de la violence relèvent "largement" des "facteurs étrangers" (le terrorisme transnational de type al-Qaida et certains groupes insurgés taliban planifiant et coordonnant leurs opérations à partir du Pakistan) et en appelant par conséquent à éradiquer les Taliban jusque dans les sanctuaires de l'espace afghano-pakistanais (notamment les zones tribales fédéralement administrée du Pakistan); M. KARZAI ajoute le 9 juillet 2006 "l'industrie de l'opium" à la liste des acteurs étrangers responsables de la violence en Afghanistan.
Mais la FIAS connaît plusieurs difficultés:
- d'abord l'imprécision de son mandat limite ses moyens de lutte contre le trafic de drogue
- ensuite ses règles d'engagement du feu varient selon les contributeurs
- puis le défaut de personnels et d'équipements hypothèque la projection aérienne de forces de réaction rapide
- enfin l'insécurité croissante exclut que les PRTs puissent mener leur mission de reconstruction sans protection militaire
In fine, la population afghane prêtera allégeance à celui qu'elle perçoit comme le meilleur prestataire de sécurité (physique et économique), qu'il s'agisse du gouvernement ou du mouvement insurgé qui cherche à lui ôter son contrôle (rompre le lien gouvernement-population) en vue de s'établir comme force sociopolitique.
Cette mission de stabilisation et de reconstruction de la FIAS en Afghanistan est d'autant plus décisive pour l'avenir de l'OTAN que le sommet de Riga de novembre 2005 est censé revitaliser la dynamique d'élargissement de l'organisation (signature de plans d'adhésion). Or, les pourfendeurs des opérations "hors zones" (i.e. hors théâtre européen: entraînement des officiers des forces de sécurité irakiennes depuis juillet 2004, entraînement et transport des troupes de l'Union Africaine au Darfour de juillet à octobre 2005, déploiement de la Nato Response Force au Cachemire en octobre 2005) condamnent aussi la surextension stratégique de la structure organisationnelle, critiquant une politique de la porte ouverte qui a eu pour conséquence l'adhésion de la Lituanie pourtant dépourvue d'armée (seul apport militaire de ce pays: son territoire)
Les candidats à l'adhésion sont:
- l'Ukraine (valeur militaire: capacités aériennes de projection de puissance, carrefour géopolitique)
- la Géorgie (valeur militaire: zone stratégique à l'intersection de plusieurs routes pétrolières)
- la Croatie (valeur militaire: capacités aérienne et terrestre modernisées)
- l'Albanie (faible valeur militaire)
- la Macédoine (faible valeur militaire)
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