23 jours après avoir accusé réception de la lettre adressée par le président iranien Mahmoud AHMADINEJAD à son homologue George W. BUSH, confirmant la puissance de marchandage qu'offre la détention potentielle de l'arme nucléaire (Glenn KESSLER, "Shift in U.S. Stance Shows Power of Seven-Letter Word", The Washington Post, 1er juin 2006), le secrétaire d'Etat Condoleezza RICE conditionne la participation des Etats-Unis à des discussions multilatérales avec l'Iran sur son programme nucléaire mais aussi les problématiques du terrorisme (parrainage), de l'Irak (subversion) et du Liban (obstacle au recouvrement de la souveraineté) au préalable d'une suspension "immédiate", "complète" et "vérifiable" par l'intéressé de ses activités d'enrichissement d'uranium et de traitement des déchets nucléaires (Condoleezza RICE, Press Conference on Iran, Washington, D.C., 31 mai 2006). Mme RICE précise au demeurant que les puissances chinoise et russe s'engagent par-là, si l'Iran manquait à ses nouvelles obligations, à soutenir l'imposition des sanctions alors décidées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU).
Mme RICE rappelle d'abord que la volonté du régime iranien d'acquérir l'arme nucléaire, la dissimulation par celui-ci de son programme nucléaire aux inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et son "mépris" à l'égard des "appels répétés" des 35 membres du conseil des gouverneurs de l'AIEA posent une menace "directe" aux "intérêts vitaux" des Etats-Unis, de leurs alliés dans la région et plus largement de la communauté internationale "dans son entier".
Certes, les Etats-Unis reconnaissent le droit de l'Iran d'accéder à l'énergie nucléaire civile en vertu du Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP, 1er juillet 1968). Mais la violation répétée par l'Iran de ses engagements pendant 18 années ainsi que le maintien d'un "programme nucléaire secret" ont entamé la confiance que la communauté internationale accorde maintenant au régime iranien, partant font dorénavant peser sur lui la charge de démontrer de manière "convaincante" son "abandon permanent" de la quête nucléaire.
Aussi l'Iran fait-il désormais face à une alternative:
- ou bien persévérer dans son comportement, c'est-à-dire continuer d'enrichir de l'uranium, ce qui constituerait le "choix négatif"
- ou bien infléchir son comportement, c'est-à-dire saisir la présente opportunité de reprendre les négociations et la coopération en vue d'une résolution diplomatique de la problématique nucléaire en faveur de laquelle les Etats-Unis et l'UE-3 (dont le "paquet" de mesures incitatives et dissuasives est approuvé par l'administration BUSH) restent engagés, ce qui constituerait le "choix positif"
Si l'Iran opte pour la seconde hypothèse et une fois acquise la suspension "immédiate", "complète" et "vérifiable" de ses activités litigieuses, les Etats-Unis s'assiéront alors à la "table" des négociations avec leurs "collèges de l'UE-3" (Allemagne, France et Grande-Bretagne négociant au nom de l'Union européenne) et rencontreront "les représentants de l'Iran". En contrepartie d'une "pleine" coopération avec l'AIEA, de la réintégration du Protocole Additionnel au TNP, de la reprise de "bonne foi" des pourparlers (le régime iranien disposant de cette seule légitimité procédurale selon Mme RICE) et de la conception / exécution d'un programme nucléaire civil exempt de passerelles vers le nucléaire militaire (risque de prolifération), l'Iran pourra alors bénéficier d'une coopération économique renforcée et du "paquet" élaboré par l'UE-3 (notamment des réacteurs nucléaires à eau légère). Cette inflexion satisfait les demandes récemment formulées en ce sens par certains Etats (notamment l'Allemagne), anciens secrétaires d'Etat (Henry A. KISSINGER et Madeleine K. ALBRIGHT) ou membres républicains de la Commission sénatoriale sur les Affaires étrangères (Richard G. LUGAR -- son président -- et Chuck HAGEL).
A contrario du découplage longtemps promu par l'administration BUSH entre les problématiques ressortant au nucléaire et celles relevant de la capacité de nuisance principalement régionale de l'Etat voyou iranien (parrainage du terrorisme, subversion en Irak et entrave à la restauration de la souveraineté du Liban -- en infraction avec la résolution 1559 du CSNU), Mme RICE formule le voeu que les politiques constitutives d'une "barrière à une relation positive" entre l'Iran et son environnement plus ou moins immédiat soient désormais abordées lors des mêmes discussions puis fassent l'objet d'une inflexion.
Enfin, les Etats-Unis continueront de travailler à juguler le "commerce de la prolifération" ainsi que la "terreur", à renforcer les capacités de défense des alliés et "amis", à soutenir ceux-ci dans leurs propres efforts contre la prolifération, le terrorisme ou encore en vue de sécuriser leurs approvisionnements énergétiques et à envisager la restriction ciblée de certaines transactions financières du régime iranien.
De son côté, le président George W. BUSH estime "important" que les Etats-Unis prennent la "direction" d'une "diplomatie robuste" dans laquelle il réaffirme sa croyance en vue d'une solution à la crise nucléaire iranienne (George W. BUSH, President Bush Welcomes President Kagame of Rwanda to the White House, Washington, D.C., 31 mai 2006).
L'ambassadeur chinois auprès de l'Organisation des Nations Unies, Wang GUANGYA, insiste cependant pour que l'offre américaine soit moins conditionnelle tout en incluant une garantie de sécurité.