Alors que plusieurs signaux (sondages, prises de position des membres du Congrès, etc.) indiquent une inclination isolationniste de l'opinion publique américaine et de ses représentants et tandis que le contexte sécuritaire irakien glisse perceptiblement depuis le 22 février 2006 (dynamitage du mausolée de Samarra) de l'opposition (contre-insurrection) à l'interposition (entre communautés ethno-confessionnelles), le président George W. BUSH prononce la cinquième d'une série de plusieurs interventions destinée à remobiliser le soutien de l'opinion publique américaine à l'Opération Iraqi Freedom trois ans après son déclenchement (George W. BUSH, President Discusses Democracy in Iraq with Freedom House, Hyatt Regency Capitol Hill, Washington, D.C., 29 mars 2006).
Avant d'envisager le "front central de la guerre contre la terreur" qu'est l'Irak, M. BUSH rappelle le système de valeurs et de croyances qui sous-tend sa démarche à la fois dans la GWOT et l'OIF:
- l'acceptation du postulat de la théorie de la pax democratica selon lequel les démocraties ne se font pas la guerre entre elles
- la croyance dans la capacité transformationnelle d'une liberté qui peut faire de l'ennemi d'hier l'allié de demain (M. BUSH illustre son propos par l'évolution de la relation bilatérale entre les Etats-Unis et le Japon de 1945 à 2005)
- la conviction de l'universalité de certaines valeurs, notamment la liberté et la démocratie (déclinée selon les contextes locaux)
- la perception qu'une "marche" de la liberté a été amorcée en Afghanistan, au Kirghizstan, au Liban et au Libéria
- et la crainte des bégaiements de l'histoire
Relativement à l'Irak, M. BUSH identifie d'abord l'héritage historique explicatif selon lui des tensions intercommunautaires sur le terrain irakien: l'un des moyens pour l'ancien président Saddam HUSSEIN de se maintenir au pouvoir consistait à diviser entre elles les communautés ethno-confessionnelles pour mieux régner tout en réprimant chacune d'entre elles ("nettoyage ethnique" contre la communauté kurde sunnite dans le nord, "campagne de suppression et génocide" contre la communauté arabe chiite dans le sud et "oppression" de la communauté arabe sunnite prétendûment privilégiée. Ce régime baathiste n'ayant que l'apparence de la stabilité, son éviction -- loin de fragiliser un statu quo -- constituait dès lors, selon le president, la première étape d'une stabilisation effective et durable.
M. BUSH mentionne ensuite les progrès en cours de réalisation, aussi bien les échecs des ennemis d'un Irak démocratique que les succès de ce dernier pour enjamber les clivages intercommunautaires. Premièrement, les élections des 30 janvier puis 15 décembre 2005 ainsi que le referendum du 15 octobre 2005 confirment que "saddamistes" (noyau dur des loyalistes de l'ancien régime baathiste qui peuvent être marginalisés) et "terroristes" (individus appartenant à -- ou se réclamant de -- al-Qaida) échouent à enrayer le processus politique; l'idée selon laquelle l'influence des milices privées (principalement chiites: Organisation des Brigades Badr et Armée du Mahdi) doit être réduite (en partie par leur intégration aux forces de sécurité nationales), notamment au sein du ministère de l'Intérieur (dans une moindre mesure de la Défense) est désormais communément admise. Deuxièmement, tandis que les gouvernants légitimes négocient la formation d'un gouvernement d'union nationale, la création récente d'un Conseil de Sécurité Nationale représentatif -- chargé d'examiner les thématiques de la dé-baathification de la société civile, de la composition des ministères de sécurité et de la répartition des ressources et revenus pétroliers -- marque pour le président un progrès supplémentaire; les forces de sécurité irakiennes ont par ailleurs fait la preuve de leur cohésion et de leur caractère opérationnel en situation d'escalade en assurant efficacement le maintien de l'ordre public post-Samarra (22 février 2006) puis lors du pèlerinage chiite dans les villes saintes de Kerbala et Nadjaf.
M. BUSH souligne enfin les enjeux en établissant un lien causal direct entre la démocratisation de l'Irak d'un côté et la sécurité des Etats-Unis de l'autre. C'est d'ailleurs parce que les "terroristes" auraient conscience de cette connexion qu'ils s'efforceraient de saper le processus de démocratisation. Et c'est afin de leur dénier la victoire (définie comme la sanctuarisation de l'Irak concomitante à la recherche d'"armes de meurtre de masse" en vue d'utiliser le territoire irakien comme un pas de tir pour l'éviction des gouvernements apostats du Moyen-Orient puis le lancement d'attaques contre les Etats-Unisfaire) que le retrait des troupes américaines d'Irak reste conditionné à l'amélioration de la situation politique (consolidation du processus d'autonomisation démocratique) et militaire (réduction des poches insurgées et montée en puissance irréversible des forces de sécurité irakiennes) sur le terrain grâce à une "stratégie intégrée" tout à la fois politique, économique et sécuritaire.